Attablé dans un petit resto de Saigon, février 2015. Le gentil vietnamien du stand de rue se tourne vers moi. J’en profite pour lever mes deux mains dans les airs, usant de la droite pour faire un signe de crochet dans la gauche. Julie me juge du regard, lançant « Qu’est-ce que tu fais là ? » d’un ton accusateur. Plein d’assurance, je lui dit « J’ai développé un langage international des signes. Regarde ça aller ». Quelques secondes plus tard, le vietnamien arrive avec la facture, que je paie rapidement avant de quitter. Julie ne m’a plus jamais accusé du regard quand j’utilisais mes différents signes au Vietnam, en Amérique latine, au Maroc ou n’importe où ailleurs.
Ça, c’était avant. Avant Shenzhen, la première ville chinoise que j’ai visitée. Arrivant au restaurant pour souper, je commande à Julie du vin (facile à retenir, c’est un « I » vraiment funky avec une table de laquelle deux verres qui tombent sur le côté gauche : 紅酒). Plus aventureux, je regarde le serveur en riant et en faisant atterrir mon doigt au hasard sur le menu. Pas de succès, j’aurai commandé un expresso américain (deux soldats différents avec des lances à gauche, à retenir :
快報 !). La soirée va être longue !
Pour bière, c’est moins compliqué : un petit bonhomme avec les bras en croix devant sa pinte de bière, et encore la table avec les verres qui tombent sur le côté gauche 啤酒 (c’est mon symbole préféré, et ça se dit jao !). À la fin du repas, mes yeux croisent ceux du serveur. Je fais mon signe international pour demander la facture. Pressé de répondre à mes moindres besoins, il arrive avec un papier et un crayon. Julie part à rire. Le pauvre diable pensait que je demandais un crayon. Fuck.
Puisant dans mon dictionnaire mental des signes, je sors mon porte-monnaie en disant « To pay », souhaitant qu’il ne comprenne pas « Taipei », la capitale tawaïnaise . Le serveur me regarde, interrogateur, me répond quelque chose comme « chang dan » (ça s’écrit pas comme ça se prononce, ça c’est certain : 賬單 !). Je prends un risque et approuve de la tête. Le bill arrive, et je le paie en réalisant que je vais devoir travailler fort en passe-partout pour me faire comprendre ici !