Paisiblement assis dans le lobby de notre hébergement japonais, à Aoshima, Julie et moi terminions une journée éreintante. Je faisais alors ce que je fais le mieux depuis un rude apprentissage au Vietnam, en 2015 : battre Julie au Skip-Bo. Pendant ce temps, l’ami de notre hôte, lui-même père de trois enfants, s’amusait avec Marine. Notre hôte, lui, nous regardait jouer avec intérêt. Il faut l’admettre, le Skip-Bo a cet effet d’international rassembleur. Nous l’avions vu en Chine.
Soudainement, Marine se met à se frotter les yeux. Alerté par ce mouvement infantile, je m’élance à son secours. J’arbore fièrement mon costume de Docteur Dodo, et la journée qu’on vient de passer me laisse anticiper que Marine a besoin de mes secours. Je pars à l’extérieur du guesthouse pour aller l’endormir. Ce n’est pas nécessairement chose facile, car Marine a passé le moment où elle est trop fatiguée pour savoir qu’elle est fatiguée !

À mon retour, quinze minutes plus tard, une petite surprise m’attend. Nôtre hôte et son ami sont assis à nos places. Les cartes volent d’un côté comme de l’autre, et ils manœuvrent le Skip-Bo comme des experts de Las Vegas (est-ce que ça existe, dîtes ?). Julie, à leur côté, m’explique brièvement qu’ils ont insisté pour jouer. Et qu’elle est là pour leur montrer deux ou trois rudiments. Amusé, mais déconcentré par les ronflements sonores de Marine, je regarde le spectacle qui s’offre à moi. « Is this a major game in Canada ? », me demande notre hôte. Je réponds que “Oui et non”, mais que c’est un jeu majeur dans nos voyages à travers le monde parce que ça se joue bien à deux.

Une demi-heure plus tard, notre hôte repart avec le jeu de carte. Julie leur en aura fait cadeau. En contrepartie, notre hôte nous a écrit une lettre en japonais, à l’attention des propriétaires d’un minuscule restaurant de son village. Ces derniers, effrayés par les barrières de la langue, nous ont refusé les deux dernières journées. Et le sauf-conduit, écrit par notre hôte, nous aura permis de savourer les délices locaux qu’ils servant dans cette brasserie. Comme quoi le Skip-Bo fait une fois de plus des miracles !
