Vêtu du mon Yukata, un genre de kimono porté notamment dans les parages des bains thermaux japonais, j’entrais dans la salle à manger de notre ryokan. La veille, nous avions pris possession de notre chambre dans cette auberge japonaise située au cœur de l’île de Kyushu : « Julie, on a un onsen dans la chambre », avais-je lancé en voyant le bain thermal privé, en roche, mis à notre disposition. « Ouais, pis nos voisins de chambre ce sont des français. Ou des belges, je fais pas la différence », m’avait répondu ma blonde possédant la nationalité française.

Au déjeuner, le gentil personnel du ryokan avait placé, à notre table, un landau et des couvertures pour que Marine s’y repose, le temps que nous déjeunions. Pendant que Julie s’affairait à emmitoufler Marine dans son petit lit de salle à manger, j’écoutais la table voisine : « J’ai pas dormi de la nuit. Surtout à quatre heures du « mat » », mentionna Cruella, notre voisine de table et de chambre, pas consciente du tout que Julie et moi parlions français de notre meilleur accent québécois.

Décharge officielle : À quatre heures du matin, Marine s’était réveillée. Comme sa nuit de petit bébé n’était pas terminée, nous avions appliqué le principe du « 5-10-15 » afin qu’elle se rendorme. Ceci consiste au fait de laisser pleurer le petit bébé cinq minutes avant d’aller rassurer le petit bébé afin qu’il se rendorme par lui-même et développe son autonomie. Ce que Marine a fait comme le grand petit bébé que vous pouvez imaginer qu’elle est.

Interloqué par le commentaire de la vieille aigrie, j’avise Julie de mon meilleur québécois que notre voisine de table n’est pas assez consciente de son environnement pour faire attention à ce qu’elle dit. Pendant notre merveilleux petit déjeuner, Marine se manifeste d’un petit cri : elle voulait faire parti du festin, et que nous la sortions de son cocon. Je me suis alors levé pour la divertir, avec ma belle barbe et mes airs de clown.

« C’est elle. Elle a pleuré toute la nuit. », mentionna Cruella à son auditoire de trois français, de son air le plus hautain. Julie, interpellée, lui répondit d’un français international « Madame, ma fille a pleuré cinq minutes à quatre heures du matin. Je veux juste qu’on soit clair là-dessus ». J’ajoutai : « On vous remercie de votre compréhension envers notre petit bébé, Madame ». Surprise que nous parlions la langue de Molière, l’aigre française ne trouva rien d’intelligent à répondre. Confession : j’éprouve toujours un plaisir coupable de surprendre des discussions françaises quand on pense qu’on ne le parle pas 😊 !